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Le Cambodge côté "bling bling"

Dernière mise à jour : 17 déc. 2020

La marque Maserati vient d'ouvrir une succursale à Phnom Penh. Elle suit une longue série qui a vu s'installer à la capitale les marques les plus prestigieuses de voitures étrangères. Et les plus chères ! Il existe un Cambodge que l’on perçoit lorsqu’on vit dans les grosses villes, mais que l’on ne connaît pas vraiment. Ce Cambodge là n’est pas le plus beau à voir. Ce n’est pas mon Cambodge, fait de maisons de bois, de rizières, de palmiers à sucre et de gens simples avec leurs heurs et malheurs tout aussi simples. Ce n’est pas le Cambodge des combats de coqs au soleil couchant, celui des baignades dans les rivières, des marchés colorés, des hauts parleurs, des chiens qui hurlent la nuit à la vue des fantômes, des soupes fumantes et des enfants sur leurs vélos sans freins. L’autre Cambodge n’a rien à voir avec celui-ci, celui qui a fait chavirer mon cœur un quart de siècle plus tôt.



C’est un ami cambodgien riche, très riche. Disons qu’il peut s’acheter une montre à un 200 000 euros lors d’un voyage en France sans que cela ne lui pose de soucis. Et une une peu moins chère pour son épouse. Combien gagne-t-il par mois ? Je le lui ai demandé. Il m’a répondu ne pas savoir exactement entre ses dizaines d’immeubles à la location et les achats-ventes de terrains. J’ai insisté. Il m’a dit entre un demi million et un million. Par mois ! Oui, il existe des Cambodgiens (plus qu'on ne le pense) qui gagnent des sommes folles. Comment ? Souvent, au départ, grâce à l’immobilier. Un mètre carré de terrain qui valait il y a vingt ans moins de 20 centimes, se revend aujourd’hui parfois plus 500 dollars. Imaginez si vous en possédez des hectares. Imaginez si vous pouvez connaître les plans de développement de certaines zones quelques années avant qu’elles ne soient réalisées. Vous pouvez ainsi acquérir des terres au prix agricole, attendre la route qui va être construite non loin, l’électricité qui va arriver et revendre ainsi vos hectares en zones commerciales ou terrains à construire. Bref, pour certains l’argent coule à flot. A torrents !

Nous discutions des temples d’Angkor. Pour mon ami, il est normal que les Cambodgiens ne payent pas l’entrée. « Puisque les temples sont les leurs ». Je lui ai demandé s’il avait pensé à monter une fondation quelconque, une organisation pour aider ses semblables, les pauvres, ceux qui ne pourraient payer l’entrée aux temples si jamais il y en a une. L’idée l’a fait sourire : « il y a suffisamment d’organisations étrangères. C’est leur travail. Ils font ça mieux que nous ». Ainsi, mon ami n’a jamais pensé à redistribuer son argent facilement gagné. Sauf quand on le lui demande, comme pour participer à l'achat des vaccins, par exemple. Auquel cas ce n'est plus un don, mais un placement. Son argent, il ne fait que l’investir à nouveau, surtout dans des biens de consommation comme les voitures de luxes, afin de marquer son statut : mais aussi dans de nouveaux terrains et d'autres immeubles afin de créer de la plus-value. Il le dépense également dans les meilleurs restaurants, les plus grands hôtels.

Mais que fait-il pour son pays ? Je lui ai posé la question. Il fait « marcher l’économie, crée des emplois. C’est déjà beaucoup non ? J’ai aussi construit une pagode », a-t-il ajouté. « Mais c’était pour faire plaisir à un ami qui voulait offrir une pagode neuve à son village natal. Un ami influent. C’est toujours bon de rendre des services à ces gens-là »…

Ainsi il ne financera aucun centre de santé, aucune école, aucune route. Il ne créera pas un fond spécial pour payer, par exemple, l’hôpital aux "nombreux" enfants victimes d’accidents de la route et dont les familles sont trop pauvres pour leur offrir des soins. "Non, car il existe des hôpitaux gratuits pour les enfants financés par certains pays étrangers dont la Suisse, le Japon" ! Il ne fera que rendre des services à des gens qui pourront lui en rendre lorsqu’il en aura besoin. Tout est calculé, rien n’est fait avec le cœur. Rien n’est fait par compassion, par altruisme.

La faute à qui ? Aux Khmers rouges, vous diront certains. Ce sont eux qui ont fait le Cambodge d’aujourd’hui, qui ont tout anéanti et qui sont responsables de l’émergence de cette catégorie de personnes avec un portefeuilles à la place du cœur. Pourtant, quand on lit certains ouvrages écrits avant la guerre, comme le très prophétique « Des courtisans aux partisans » de Pomonti et Thion, on se rend compte que ces gens là existaient déjà avant la révolution.

Un Cambodge identique existait déjà dans les villes des années 1960.

La plupart ont d’ailleurs payé leur arrogance du prix de leur vie.

Les Khmers rouges avaient avant tout à coeur de "détruire" ce visage là du Cambodge qu'ils détestaient par dessus tout.

Alors pourquoi ? L’aide internationale a-t-elle une part de responsabilité dans le désengagement des très riches Cambodgiens pour des causes humanitaires ?

Les 4000 ONG et organisations internationales et leurs milliers de programmes divers se sont intercalés entre le peuple et l’élite. Les puits, les écoles, les hôpitaux, etc., les humanitaires étrangers se sont occupés de tout dans le cadre du développement durable. Ainsi, le peuple savait que c’est à l’étranger qu’il fallait s’adresser si l’on voulait quelque chose. Ce qui était normal. L’Etat n’avait pas les moyens de redresser seul ce pays ruiné par des décennies de guerre. Mais ça, c’était avant. Or, les habitudes sont restées.

Dans un journal français qui date déjà de quelques années, un reportage au Cambodge. Chenda a perdu sa rizière. Endettée, elle a trouvé du travail dans une briqueterie. L’article dit qu’elle est payée 7,5 dollars pour 10 000 briques réalisées.

Même s’il elle fait des briques toute sa vie, Chenda ne pourra jamais se payer ne serait-ce que le bracelet en cuir de la montre de mon ami !

Mais Chenda ne sait certainement pas qu’il existe des montres aussi chères…

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