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fredericamat

La Gazette d'Angkor


Le Only One est orphelin : Yves Boucaret est le premier étranger à avoir ouvert un restaurant dans la cité des temples. C'était au tout début des années 1990, derrière le vieux marché, non loin de l'actuel restaurant Olive. Quelques temps plus tard il déménage et s'installe dans un autre compartiment, plus grand, cette fois-ci en face du vieux marché ; un emplacement qu'il gardera jusque dans le courant de l'an 2000. Le Only One changera alors de propriétaire et Yves ira fonder le Paris Saïgon non loin de Wat Bo.

J'ai connu Yves en 1997 lors d'un pélerinage à Angkor avec mes parents. Tel un phare dans la nuit de Siem Reap, le Only One n'était pas difficile à trouver : c'était le seul endroit éclairé de toute la zone du vieux marché. Dans un hamac, sa fille Sandrine, âgée de quelques années seulement. Sous ses allures de père tranquille, Yves cachait un tempérament de bourlingueur. Architecte aux Nouvelles-Hébrides (ancien nom du Vanuatu), Yves avait également posé ses valises en Australie et en Algérie. Il lui arrivait aussi de rentrer en France, pour un temps seulement. Yves était arrivé au Cambodge, à Battambang, pour le compte d'une ONG. De Battambang à Siem Reap, il n'y avait alors qu'une rivière à traverser. Tombé sous le charme tranquille de cette bourgade endormie qu'était alors la cité des temples, Yves avait eu envie de s'y installer et de créer le bien nommé Only One, reconnaissable à son long bateau de bois transformé en bar. Il épousera Maé qui lui donnera une fille. Yves était un solitaire, philosophe, amateur de bonnes choses, un esprit fin et critique. Yves est décédé en début de semaine. Parti pour un ultime voyage... Photo : Merci à Peter d'avoir immortalisé Yves il y a quelques années...


Covid à Phnom Penh : et c'est reparti pour un tour. S'il vous reste une boite de Padamalgam 500 mg, je vous conseille d'en prendre une poignée. Parce que la nouvelle qui vient de tomber ce matin va immédiatement stigmatiser une communauté qui a pour habitude de faire parler d'elle au Cambodge. Une trentaine de cas de Covid (32 au moment où ces lignes sont écrites, mais ce n'est qu'un début), ont été détectés à Phnom Penh en cette fin de semaine. La cause ? Des arrivants chinois qui n'ont pas eu envie de rester 14 jours dans une chambre d'hôtel en attendant les résultats des tests. Et ils se sont tout simplement évaporés dans la nature. Le gouvernement les recherche assidûment. Une vidéo a même été diffusée où l'on voit une dame se faire la malle d'un hôtel (certainement le Sokha) en pleine nuit aidée du gardien (qui va avoir du mal à retrouver du travail). Bref, quelques quartiers ont déjà été bouclés comme Koh Pich. Et il est à prévoir quelques perturbations au niveau des écoles, des salles de gyms, des karaokés, etc. La routine, en quelque sorte ! Une dernière chose : je ne suis pas d'accord quand on dit que le Cambodge est devenu une province chinoise. Si c'était le cas, ces Chinois irresponsables n'auraient pas pu s'échapper. Et si malgré tout, ils avaient réussi un tel exploit, il est certain que plus personne n'aurait jamais entendu parler d'eux... Là, ils s'en sortiront, au mieux, avec une belle amende...



Les chiffres qu'on ne retiendra pas : 27 tonnes de déchets ont été retirés de la rivière de Siem Reap. Trois millions de chiens passent à la casserole chaque année au Cambodge. Phnom Penh compte pas moins de 100 restaurants spécialisés dans la viande de chien. Siem Reap a interdit la vente de canidés à cuisiner tandis qu'une organisation qui lutte contre la maltraitance faite aux animaux ont découverts récemment à Kampong Cham un abattoir dans lesquels 200 meilleurs amis de l'homme étaient lâchement trucidés chaque jour. Votre chien a disparu ?

Le Cambodge a toujours aimé les pourcentages. Précis ! Ainsi on apprend que les travaux de réfection des rues et de pose du tout à l’égout de Siem Reap sont terminés à 17 % tandis que la construction d'un pont traversant le Mékong dans la province de Kampong Cham est déjà achevée à 96,49 % (source AKP). On se demande bien en quoi consistent les 3,51 % restant.


La Thaïlande se vide peu à peu de ses travailleurs cambodgiens. Dimanche dernier, pas moins de 35 665 migrants étaient déjà retournés chez eux depuis le pays de l'oncle Siam. Mais c'est là où ça devient intéressant, on apprenait également que pas pas moins de 11857 Cambodgiens se trouvent encore en quarantaine quelque part dans des centres non loin de la frontière. Le chiffre est colossal ! Le nombre de travailleurs nationaux à être rentré au pays doit être, dans la réalité, beaucoup plus élevé. En effet, beaucoup ne passent pas par les postes de frontière officiels. La preuve : non loin de Poïpet, l'un d'entre eux, qui avait décidé de couper par les champs, a marché du pied droit nous dit-on, sur une mine antipersonnel. Ces entrées illégales préoccupent au plus haut point. Pour montrer l'exemple, le Premier ministre a personnellement limogé un responsable de la police de la région de Battambang pour avoir manqué à ses obligations en ce qui concerne le retour des travailleurs migrants... On ne rigole pas avec les risques de Covid. Ni avec les frontières !


Projet de développement à Angkor : Une pétition circule sur Internet à l'appel d'une poignée de Cambodgiens de France. Leur but, tenter de faire annuler le projet de Naga Corp d'ouvrir un centre de loisirs non loin des temples d'Angkor. La grogne s'est propagée sur le Web après un article du Monde sur le sujet. L'affaire date de novembre l'année passée. Elle avait déjà été largement relayée par les médias locaux et les travaux ont déjà commencé, mais le Monde, toujours en avance, vient de sortir le scoop, immédiatement repris, comme une épidémie de gastro, par tous les médias bien-pensant de France et de Navarre. L'affaire a pris une telle ampleur aujourd'hui que l'ambassadeur du Cambodge à Paris s'est fendu d'une lettre à la direction du Monde, demandant à ce que ses journalistes soient un peu plus professionnels ! Mais le Monde n'est pas le seul à avoir écrit n'importe quoi sur le sujet, privilégiant comme toujours la passion et l'émotion à la recherche de la vérité, beaucoup moins "bling bling"...

Aucun journal qui a repris l'information comme des ados qui se refilent un vieux chewing-gum n'a pensé à mettre en perspective, à prendre de la hauteur, à tenter de peser le pour et le contre. Et surtout à poser des questions aux nombreux intéressés. Comme toujours dans la presse mainstream, on copie-colle des informations sans prendre le temps de les analyser et encore moins de les vérifier. Un mensonge qui fait du biz aujourd'hui est bien mieux qu'une vérité sans intérêt publiée demain. Et surtout, on souffle dans le sens du vent.

Bref, les réactions des lecteurs ne se sont pas faites attendre : "Saccage, honte, infamie ! On défigure Angkor à jamais ! On porte atteinte au sacré !" Les commentaires sont généralement outrés à l'idée de l'implantation de ce qui est déjà appelé le "Disneyland d'Angkor". Avec un peu de calme, on s’aperçoit, que ce projet, s'il choque par son ampleur, respecte, en tout cas sur le papier, tous les critères des règles de développement dans la cité des temples. Et surtout, il n'est pas encore présenté au comité qui gère le site d'Angkor, le fameux CIC. Il doit l'être lors de la prochaine session.

Le Cambodge a pris le parti d'entourer les temples de plusieurs zones tampons (les fameuses zones Apsara) à la demande de l'Unesco. Ce centre de loisir doit se situer à l'extérieur de ces zones, même si sur un terrain limitrophe. Mais qu'à cela ne tienne. Il est vrai que ce projet va davantage dans le sens d'un tourisme de masse asiatique que celui d'un tourisme individuel occidental, responsable et pérenne. C'est malheureusement l'option choisie au Cambodge. La masse prime sur la classe. On peut le regretter. On le regrette. Mais il existe peut être d'autres sujets d'indignation qui n'ont malheureusement pas les mêmes échos.

Depuis que l'Unesco a imposé à Apsara la création de zones, les habitants d'Angkor sont soumis à des règles extrêmement strictes. Planter un poteau dans son jardin sans une autorisation officielle est devenu un délit ! Comme on ne peut pas construire d'écoles, les gosses doivent faire souvent 20 kilomètres à vélo pour aller s'instruire dans celles de Siem Reap sur des routes étroites et encombrées. L'électricité est arrivée dans ces villages il y a peu et encore pas partout (il fallait enterrer les câbles). Les habitant s'éclairent à la bougie à Angkor ! Qui en parle ? Qui se soucie des pauvres gens qui doivent détruire un auvent de paille sur le toit de leur maison car cela fait de l'ombre à Angkor ? Qui ne peuvent pas construire un poulailler ! Juste parce qu'ils ont eu la mauvaise idée d'être les descendants des bâtisseurs d'Angkor ! Quel journal évoque le sort des Angkoriens sacrifiés pour le sacré ?

Le tourisme a-t-il permis à ces population de vivre mieux ? Non ! Ces derniers sont les grands oubliés du tourisme. Le Cambodge respecte les règles qui lui ont été imposées pour garder l'inscription des temples au patrimoine mondial. On lui a demandé de protéger le développement à l'intérieur de zones. Il le fait ! A l'excès même ! Mais il peut accepter des projets de développements à l'extérieur de ces dernières (tout en respectant une hauteur maximale de bâtiments et un plan d'occupation des sols). Attendons donc une indignation collective de la presse française sur les restrictions mises en place par un organisme international qui affectent la vie de milliers d'habitants d'Angkor, et on pourra alors s'indigner sur la politique de développement touristique choisie par le gouvernement souverain du Cambodge ! Après tout, la France a bétonné son littoral à la fin des années 1970 dans une volonté de développer le tourisme de masse ! Et aucun pays étranger n'est venu lui dire que ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire...


Contrôle du Web ? C'est une nouvelle qui a fait moins de bruit à sa sortie que le lancement du parc de Naga Corp mais qui commence à être reprise en boucle. Et pourtant, si cette information mise à jour par nos amis belges du site Datanews.levif.be qui reprennent une annonce publiée sur la page Facebook du Conseil des ministres cambodgiens s'avère exacte, c'est une bombe ! Le Cambodge devrait contraindre tous les acteurs internet et entreprises télécoms à faire transiter leur trafic internet via une passerelle nationale et ce dès l'année prochaine. Cette passerelle devrait filtrer tout le trafic entrant. Autant dire que cela revient à la mise en place d'une censure de type chinoise, thaïlandaise ou encore Birmane (on oublie souvent les Thaïlandais et les Birmans quand on parle de dictature). Ainsi, certains sites internet ou même applications pour mobiles ne seront tout simplement plus accessibles. Le but : conserver "l'ordre social et respecter la culture". Les opérateurs devront donc adapter leurs systèmes pour qu'il transite par la passerelle. Ceux qui refuseront verront tout simplement leurs licences retirées. Le monde de demain s'annonce bien triste... Une sorte de ministère de la Vérité pour crimes par la connexion...



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