top of page

La Cambodge mérite mieux !


Le texte qui suit a été publié en 2010 dans le magasine Le Gavroche.

Décidément, on ne s’en lasse pas. La sortie du Guide du Routard sur le Cambodge est, tous les deux ans, l’occasion pour les expatriés du petit royaume d’organiser des soirées destinées à relever les innombrables perles, erreurs, non-sens, incohérences et aberrations contenues dans cet ouvrage. Cette année encore (NDA : 2010 donc), le Routard Cambodge dans son édition 2010/2011 nous a gâté. Une vraie merveille.

Entre autres choses, le guide envoie ses lecteurs dans des établissements fermés depuis de nombreuses années, ou encore peste contre l’état de routes qu’il croit encore en piste défoncée alors que ces dernières ont été bitumées depuis longtemps. Et comble de désinformation, la section urgence de Siem Reap, sur quatre adresses, renvoie à deux établissements fermés et à des chambres « pour touristes » imaginaires au sein de l’hôpital provincial dont la simple entrée suffit à faire fuir le plus mal en point des aventuriers…

Mais ce n’est pas tout. Voici, faute de place, une liste malheureusement non exhaustive de petites ou grosses erreurs. Dernière chose, la dernière édition n’est souvent qu’un copier-coller de l’édition précédente puisque des pages entières d’adresses ont été recopiées telles quelles, sans aucune vérifications. Aucun intérêt donc à renouveler si vous disposez d’une ancienne édition. Pour ceux qui ont déjà ce guide en poche et qui ont prévu un voyage au Cambodge, voici quelques-unes des corrections ou des précisions à apporter :

– « On peut trouver du vin français dans la plupart des restaus (chic) de Phnom Penh et Siem Reap. Mais le vin australien, de plus en plus répandu, est moins cher ».

On trouve du vin partout au Cambodge et depuis de nombreuses années, même dans des gargottes face à Angkor Wat ou des petits restaurants qui sont loin d’être « chic ». Siem Reap et Phnom Penh n’ont pas le monopole. Le vin se sert dans toutes les autres grandes villes du royaume, y compris des endroits reculés comme le Rattanakiri. Enfin, quel mépris envers le vin australien qui est sans appel déclaré « moins cher » que le vin français. Un Yering Station australien à 20 dollars est donc forcément « moins cher » qu’un Louis Chatel à 6 dollars, prix public.

– Le Heart of Darkness est sans nul doute l’endroit où l’on rencontre le plus grand nombre de prostituées free-lance de Phnom Penh. Cet endroit interlope est ouvert jusqu’au bout de la nuit. Dans les pages d’un guide qui joue traditionnellement les Pères la Pudeur et se refuse, dans son édition thaïlandaise, de traiter de Pattaya, le Heart of Darkness devient : « le meilleur bar-boîte de la ville (…) Bon mélange expats, jeunes étudiants cambodgiens. Un judicieux concept, qui ne désemplit pas ». En guise de jeunes étudiants, le touriste trouvera plutôt des « étudiantes » qui ont fait l’école buissonnière…

– Au lieu de détailler tous les pièges à éviter lorsqu’on entre au Cambodge par la route au poste frontière de Poïpet (et ils sont nombreux), le guide se contente de colporter des bruits et une énormité : « 160 kilomètres, encore en grande partie de piste. Prévoir 4 heures de route. La rumeur veut qu’une compagnie aérienne et des officiels corrompus soient à l’origine de l’état honteux de cet axe (…) ». La réfection de la nationale entre Poïpet et Siem Reap s’est achevée début 2009. Elle met désormais la cité des temples à moins d’une heure trente de la Thaïlande sur une très belle double voie bitumée. Même si l’inauguration de cette nationale s’est faite lorsque le guide était sous presse, un simple renseignement auprès de la communauté expatriée en 2008 aurait permis de savoir que le chantier, qui a forcément duré plusieurs années, devait se terminer au début de 2009. Un minimum pour un guide qui imprime 2010/2011 sur sa première page !

– Le guide du Routard estime que la taxe d’aéroport de 25 dollars au départ du Cambodge est « un vrai racket ! ». Les autorités et le groupe Vinci gestionnaire des aéroports du Cambodge apprécieront à leur juste valeur ce jugement personnel…

– La section Urgences de Siem Reap est la plus pathétique. Le guide envoie ses lecteurs malades se faire soigner dans d’imaginaires « chambres pour touristes » au sein de l’hôpital provincial de Siem Reap ou à Naga Clinic, fermé en février 2007 lors de l’ouverture du Royal International Hospital, filiale ultra-moderne du très célèbre Bangkok Hospital. Ce dernier a été totalement « oublié » par le Routard alors qu’il trône en bonne place et sur plusieurs étages sur la route de l’aéroport. Quand à la pharmacie Kanya, elle a fermé depuis la mort tragique de sa propriétaire, le jeune et jolie Kanya en 2007 également.

Enfin, le guide ne fait pas mention de deux centres commerciaux, le Lucky Mall sur Sivatha et le Angkor Mall face à la rivière. Côté hébergement ou restaurants, quasiment pas de changements donc par rapport à la dernière édition ainsi que des établissements fermés qui l’étaient déjà lors du passage du Routard au Cambodge. Impossible donc pour le rédacteur du guide de brandir l’argument de l’évolution rapide des commerces qui ferment une fois l’enquête réalisée. Il est regrettable, mais le rédacteur est le maître à bord, que ce guide ait également « oublié » de mentionner des établissements qui ont pignon sur rue tenus par des Français depuis bien longtemps. Certains sont très anciens et n’ont jamais été cité bien qu’ils soient des institutions. D’autres, comme le restaurant-brasserie Le Malraux, très belle demeure coloniale incontournable ouverte il y a 2 ans et demi, n’y sont pas « encore » répertoriés, alors qu’ils méritent le détour.

Last but not least, Le Routard voit des expats’ branchés au bar du FCC alors qu’ils sont partout sauf là. Le tribunal, qu’il classe dans les établissements coloniaux, datait des années 1960, mais a été rasé pour laisser la place à des boutiques en 2006. La Poste, autre bâtiment colonial du Routard, est effectivement très vieille, puisqu’elle date du début des années 1990 et n’a absolument aucun charme, contrairement au bâtiment de la Croix Rouge non loin. Mais peut-être que le Routard a confondu…

Enfin, le guide juge « élevé » le prix d’entrée aux temples. Combien coûte une visite du Louvres ou de Versailles ? Un prix qui « s’est stabilisé depuis quelques années, tant mieux ! », estime encore le rédacteur du guide. Or, le tarif d’entrée au complexe d’Angkor n’a JAMAIS changé. Il a toujours été, depuis 1993, de 20 dollars pour une journée, de 40 dollars pour trois jours et de 60 dollars pour une semaine. Si l’auteur avait consulté les premières éditions de son propre guide, il aurait au moins évité une bourde… Car s’il y a un prix élevé, ce n’est pas celui du billet d’entrée sur les temples, mais bien les 14,90 euros que coûte le Routard au vu de la qualité des informations qu’on y trouve.

La liste est encore longue des erreurs et inepties, surtout historiques, des affaires fermées ou des jugements de valeur à l’emporte-pièce qui ne sont que des vues de l’esprit ou issus de rumeurs. Le Routard mériterait de passer plus de temps dans le royaume avant de vouloir donner des conseils aux véritables voyageurs. Le Cambodge mérite mieux.

Fin.

Et aujourd’hui?

Cet article a été un grain de sable de plus dans la plage de la mauvaise presse qu’a le guide du Routard et il a été repris sur des forums de voyages. Internet est un grand lac sur lequel le moindre cailloux plat lancé ne cesse de ricocher, à l’infini. Un producteur télé a eu l’idée d’aller enquêter sur le terrain. Il a choisi trois pays dont le Cambodge pour comparer la réalité au guide. Bien entendu l’émission n’a pas été un long fleuve tranquille pour le guide.  Certaines personnes qui sont intervenus dans ce documentaire ont eu la joie de recevoir un message par email du patron du guide qui, furieux, leur annonçait qu’il allait leur faire une mauvaise publicité dans la prochaine édition.

Et il a tenu parole !

Résultat : Cette poignée de professionnels du tourisme que le guide “oubliait” à chacune de ses éditions sont enchantés !

Auparavant, le guide les ignorait. Là, il les descend en flèche.

Mais le Français est curieux ! Ainsi, les voyageurs qui utilisent ce guide font très souvent le déplacement pour voir ce qu’ont ces commerces-là de si extravagants pour mériter une si terrible critique. Et les patrons d’expliquer toute l’histoire autour d’un bon verre qui s’ensuit généralement d’un bon repas. Heureux, les touristes reviennent et en parlent autour de chez eux !

La mauvaise publicité est devenu de la publicité tout court. Car, c’est bien connu : “parlez de moi en bien ou en mal mais parlez de moi !”

L’ignorance est bien pire que la médisance.

C’était la pensée du jour !

1 vue0 commentaire

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page