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Cambodge, le drame sans fin - Chapitre 1

Mercredi 3 septembre 1997 – Crash du vol VN815 - 65 morts


La Taïwanaise aux Mickey (Fin)





Un Tupolev à deux réacteurs. Un TU134B, pour être exact, fabriqué en 1984 et comptabilisant pas moins de 11723 heures de vol. Le dernier de l’époque soviétique encore en activité dans la flotte de la compagnie Vietnam Airline.

A son bord se trouvaient soixante passagers et six membres d’équipage. Parmi eux, un groupe de vingt-deux Taïwanais, des investisseurs pour la plupart. Dont le frère de la jeune fille au T-shirt Mickey. Vingt-et-un Sud Coréens, principalement des membres d’organisations humanitaires. Quelques Cambodgiens, des Thaïlandais, deux Canadiens, un Japonais, et un Anglais, directeur d’Apex Dalat, une usine de textile située dans le centre du Viêtnam, en visite à sa succursale cambodgienne. Un Australien né au Cambodge revenu vivre et travailler dans son pays d’origine quelques années auparavant. Il était un voyageur fréquent sur cette ligne.

Avant le départ, on leur avait offert de remplir un questionnaire leur demandant combien de fois ils avaient pris l’avion ces douze derniers mois et s’ils planifiaient un retour au Viêtnam. Le vol avait décollé à l’heure et ne devait durer que 45 minutes.

Le commandant était un des plus anciens de la flotte. Un ex-pilote de guerre, sûr de lui, autoritaire. Ils étaient trois dans le cockpit. Un jeune co-pilote, premier officier, formé par la France, et l’ingénieur de vol.

Sur les 66 âmes présentes dans cet avion, seul un bébé d’un an, un garçon, a survécu. Tous les crashs d’avion connaissent des anecdotes heureuses. Celui-ci ne fit pas exception à la règle. Un membre du ministère de l’Intérieur cambodgien était chargé de ramener des centaines de cartes plastiques, des permis de port d’armes imprimés au Viêtnam.





Ces cartes, j’en avais ramassé une poignée sur les lieux. Il suffisait d’inscrire son nom, son âge, le numéro et la nature de l’arme, et de replier le film de plastique auto-collant. Les imprimeries du Cambodge étaient incapables de réaliser de tels documents.

Le policier n’était pas mort dans le crash de l’avion. Il n’avait tout simplement pas embarqué, laissant seul le colis partir.

Voilà les premières informations qui sont transmises par le bureau de l’aviation civile, lors d’une conférence de presse, quelques mois seulement après le drame. Le dossier n’est pas très épais. Il n’y a pas grand-chose à dire en vérité. Si ce n’est que l’erreur humaine, liée aux conditions météorologiques, est la cause déterminée du crash et que l’avion n’était qu’à 300 mètres de la piste.

Il est fait mention de la vache décapitée. Son propriétaire a porté plainte contre la compagnie et demande à être indemnisé. Un autre habitant des lieux s’est joint à lui. Au moment du crash l’aile droite de l’avion aurait touché le toit en tôle d’une cabane qui se trouvait là. Le rapport ne parle pas des pillages. Le montant des indemnités offertes par Viêtnam Airline pour chaque victime est par contre inscrit. Cela ne dépasse pas les 5000 dollars par personne.

En fin de rapport, se trouve la transcription intégrale des échanges entre la tour et le cockpit et entre les officiers de bord. Chaque phrase ou mot est précédé de l’heure, minutes et secondes à laquelle elle a été prononcée.





Il s’est passé 4 secondes exactement entre le moment où l’aile gauche de l’appareil a percuté un premier palmier à sucre et l’explosion de l’avion. Quatre secondes interminables durant lesquelles tous se sont très certainement vu mourir.

Quatre secondes.

Une paille.

Une éternité !

Lors de son approche vers l’aéroport de Pochentong, le commandant du vol VN815 contacta la tour qui lui proposa de ne pas atterrir immédiatement en raison d’une mauvaise météo. Une pluie intense, violente, fascinante, comme seul le mois de septembre en a le secret, s’abattait alors sur la zone.

Le commandant ignora l’avertissement, poursuivant sa route.

Lorsque l’approche des avions est confirmée, la tour n’émet que des avis. C’est le commandant qui décide en dernier ressort.

Il poursuivit donc sa descente.

Quelques secondes plus tard, la tour de contrôle contacta à nouveau le commandant, lui demandant de ne pas atterrir par cette entrée de la piste pour cause de vent violent. Mais de prendre le côté opposé. Il n’y a, encore aujourd’hui, à Pochentong, qu’une seule piste d’atterrissage. La même qu’en 1997.

Dans le cockpit, aucune réponse. Deuxième injonction de la tour, puis silence.

L’avion maintint son approche.

A bord, les trois hommes échangèrent brièvement. Le co-pilote demanda au commandant de cesser sa descente. Ce dernier lui intima l’ordre de se taire et de chercher la piste.

La visibilité devait être quasi nulle et l’avion poursuivait sa descente sans trop savoir où il se trouvait par rapport à la piste.

L’ingénieur donnait l’altitude palier par palier. A partir de 50 mètres il commença à paniquer et demanda, lui aussi, de remonter.

Même refus catégorique.

Le co-pilote supplia une nouvelle fois le commandant de remonter. Sans succès.

Les ultimes moments d’angoisse dans le cockpit figurent dans les dernières lignes de ce rapport :

  • Capitaine, remontez, on est trop bas !

  • Taisez-vous ! Décompte !

  • 48 mètres. 45 mètres. On est trop bas. Remontez !

  • Taisez-vous ! Cherchez la piste ! Décompte !

  • 36 mètres. 32 mètres. On n’y voit rien ! Remontez ! Remontez ! On est trop bas !

Puis un grand bruit.

  • Nous avons perdu une aile !

  • On meurt ! On meurt ! On meurt !

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