Une petite réponse au très sympathique commentaire de Chhun Try, posté à la rubrique “à propos” sur ce blog : http://lebarang.wordpress.com/2012/05/12/a-propos-du-barang/#comments
Je citerai un court passage tiré du chapitre 6 du merveilleux, que dis-je, de l’extraordinaire livre La drôle de vie des expatriés au Cambodge, intitulé Parler le Khmer : sur les sentiers de la confusion. Il résume à lui seul toute la problématique de l’absence de codification officielle de transcription, que nous devons pour beaucoup aux linguistes qui ont inventé une langue incompréhensible connue d’eux seuls sous le nom de phonétique.
Il n’existe à ce jour aucune codification officielle de transcription du cambodgien en alphabet romain. L’orthographe des translittérations, celle des noms propres en particulier, est l’objet de nombreuses variantes, notamment entre francophones et anglophones. On trouve donc des transcriptions très différentes des noms de lieux. De plus, la plupart des cartes du royaume ont été dressées à l’époque de la présence vietnamienne. Cela provoque quelques surprises. Par exemple, la ville de Kratié dans le nord-est devient Kracheh et celle de Poursat ou Pursat dans le nord-ouest, donne Poüthisät. La géo-localisation de Google utilise d’ailleurs ces noms tieng viet… La signalétique routière n’est pas en reste sur l’ensemble des routes du royaume. Les panneaux indicatifs des directions sont bilingues, khmer-anglais. Pour ne donner qu’un exemple parmi tant d’autres des différentes écritures pour un seul et même lieu, à l’entrée de Battambang, un panneau indique Pai Len, en deux mots. En centre-ville, on trouve la direction de Pailine. Puis un peu plus loin un dernier panneau indique Païlin avec un tréma sur le « i ». De même pour le mot barang, certains préfèrent, comme le propose d’ailleurs Régis Martin, écrire Baraing, avec un « i » ; aussi dans sa prononciation, cette lettre se fait sourdinement entendre. Mais tant qu’il n’y aura pas de manuel officiel de translittération, chacun est libre d’écrire son barang comme il l’entend.
Une codification simple de transcription reconnaissable par tous ferait de la phonétique internationale le nouvel Espéranto des linguistes. En ce sens, Pierre Régis Martin, dans son ouvrage presque aussi indispensable que celui de Frédéric Amat, Parler le cambodgien — Comprendre le Cambodge, a inventé une nouvelle transcription des sons khmers basée à la fois sur la traduction littérale de l’écriture et sur la langue parlée.
Les cartes ci-dessous montrent que, selon la nationalité du cartographe, la transcription peut changer du tout au tout.
La ville de Pursat, avec un “u” à l’anglaise illustre à merveille la cacophonie de la transcription. Les Français, comme le montre la carte de 2005 du ministère français des Affaires Etrangères, écrivent un peu étonnement Poussat.
Effectivement, comme le “r” n’existe pas en cambodgien – même il se fait très légèrement entendre – les Français ne l’ont pas mis. Mais le doublement du “a” donne, quand on le lit : Pou Saat, soit : mon oncle est joli…
Gniom tao Pou Saat signifirait ainsi : Je suis allé chez mon oncle joli. Il se peut toutefois qu’il y ait un oncle joli à Pousaat, auquel cas, l’expat’ francophone qui parle le khmer pourrait dire : Gnion tao ptea Pou saat neu Pousaat !
Les Viêtnamiens, avec ou sans les accents, écrivent une étrange chose qui se prononce avec un “t” étonnement placé au milieu : Pouthisat…
Passons sur le Kampong Spueu des Français et le Kâmpóng Spoe des Viêtnamiens, glissons sur le “b” de Siem Reab, le “u” de Phnum Penh, et gloussons à la vision des “o” de Rottano Kiri.
Par contre, évitons d’évoquer le cas du pauvre Kracheh transformé en Kratié par tous ceux qui, avec plus ou moins de bonheur “poken” l’english (du verbe englishspoken), car on risquerait d’y être encore demain…
Comments